Lancée il y a 10 ans en Chine, la cigarette électronique est en train de conquérir le monde. Elle va enrichir certain, mais d’autres ont beaucoup à perdre.   Le prix des paquets de cigarettes pourrait augmenter de « 30 à 40 centimes » dès le 1er juillet, annonçait hier la ministre de la Santé Marisol Touraine. Une mauvaise nouvelle pour les fumeurs qui pourrait peut-être contribuer à accélérer le marché des « e-cigarettes », ces cigarettes électroniques que l’on voit dans de plus en plus d’endroit. Au point que l’on se demande aujourd’hui, « à qui profite cette nouvelle cigarette » et jusqu’où pourrait aller se phénomène ? Pour l’instant la cigarette électronique c’est un petit business, mais un business en pleine croissance. On ne dispose pas de statistiques officielles mais on estime qu’au moins un demi-million de personnes « vapotent » en France. Pour l’instant cette nouvelle activité profite à des petits commerçants indépendants qui auraient ouvert plus de 500 boutiques physiques ou sur internet. Ce sont ceux qui avant vendaient des téléphones portables ou ont ouvert des salons pour bronzer ou blanchir les dents. Ils surfent sur cette vague et seront les premiers gagnants de cette innovation. Les premiers gagnants mais pas les seuls ? Non, bien sûr. Derrière les commerçants, il y a les fabricants. Là, pareil, on a pas beaucoup d’informations. On sait juste que la quasi-totalité des cigarettes électroniques sont « made in China ». On sait aussi que les principaux brevets sont détenus par un chinois Monsieur Hon Lik qui au début du siècle a relancé cette idée. Il s’est associé avec un grand groupe local, il a lancé le produit en Chine et après il a contribué à l’internationalisation de cette cigarette high-tech. Parce que la cigarette électronique est en plein boom partout ? Oui. On en trouve dans tous les grands pays occidentaux. Ca reste encore très marginal, on parle de 1% des fumeurs américains. Mais le potentiel est pris au sérieux par tous les géants du tabac. Le 11 juin dernier Altria, la maison-mère de Marlboro a annoncé qu’elle allait tester une cigarette électronique dans un ou deux états américains. British American Tobacco va faire pareil. JTI, la branche internationale de Japan Tobacco, commercialise une sorte de e-cigarette avec du tabac en Autriche. On sent bien que tous les acteurs se positionnent. On a même vu Sean Parker, le fondateur de Napster et un des ex poids lourds de Facebook investir 75 millions de dollars dans la société NJOY, le pionnier américain de la cigarette électronique. On a parlé des gagnants. Mais en cas de succès, il y aura aussi sans doute des perdants ? Avant de passer au perdant, ont peut rajouter dans les gagnants les fumeurs, qui échapperaient à un cancer s’il s’avère que la cigarette électronique est moins nocive ou quelle aide à décrocher. Mais si on se concentre sur les perdants potentiels, la liste est longue. Il y a d’abord les 27.000 buralistes français qui ne vendent que le tabac traditionnel. S’il y a un déplacement du marché vers d’autres réseaux de distribution, ils peuvent perdre sur un marché qui est déjà en très fort recul. On vendait 83 milliards de cigarettes en France en 2001. Dix ans plus tard on en vendait plus que 54 milliards. Les autres perdants pourraient être les géants du tabac. Même s’ils arrivent à devenir des acteurs de poids sur ce marché, s’il y a une vraie innovation, cela va donner l’occasion à de nouveaux concurrents d’émerger. Il va falloir partager le gâteau avec d’autres acteurs. Et pour l’Etat ? A court terme c’est potentiellement une catastrophe. On sait bien que le tabac coute cher à la collectivité en frais médicaux mais le tabac c’est aussi une machine à cash. Le tabac est très lourdement taxé. Sur un paquet de cigarettes, les taxes représentent 80% du prix. Au total, si on additionne les taxes spécifiques et la TVA, le tabac rapporte environ 15 milliards d’euros par an aux finances publiques. On sait déjà que la hausse de la contrebande pèse sur les recettes, si maintenant on a un boom de la cigarette électronique qui pour l’instant n’est pas soumise à une fiscalité spécifique, cela va coûter cher à l’Etat.